Et les fantômes vinrent à ma rencontre
Avec le temps...
Encore quelques mots sur la musique avant d’en venir à la troisième texture du film et qui paraîtront peut-être naïfs au mélomane.
Ces jours-ci, nous sommes arrivés à un ensemble de fragments qui forment une composition cohérente et intéressante, une bonne direction. Mais il reste à résoudre un problème subtil, mais crucial. A ce stade, Angel et Loli m’apparaissent à présent comme un couple parental idéalisé par l’enfant, dans un Age d’Or mythique et inexistant que glorifieraient les cadres de ma caméra, et qui trouve son reflet dans le couple musical de Veronika et Albert. Fantômes personnels... Hors, cette idéalisation n’est précisément pas ce que je souhaite exprimer, on l'a vu. Ici, la musique doit donc encore venir introduire une légère torsion qui n’est pas encore présente, peut-être en dés-accordant un peu plus l’instrument et la voix, en les autonomisant un peu plus afin de rompre doucement l’illusion d’harmonie, afin d’échapper au mythe. Des dangers du lyrisme. A creuser.
Troisième texture, et c'est un coup de chance formidable : au cours de mes dernières recherches, un ami espagnol m'a envoyé un lien internet vers un film mis en ligne récemment: "Mira eso! Regarde ça!", m'écrivait-il. Après le voyage à Nijar de Juan Goytisolo dans les années 50 apparaissait un autre road-movie documentaire filmé dans la région, et dont le mien n'est peut-être que l'ombre! Filmées avec un amour manifeste pour ces lieux alors isolés par un jeune peintre belge lorsqu'il descendit là avec sa petite famille en 1970 (en 2cv!), ces superbes images 16mm, souvent atemporelles, donnent un aperçu remarquable de la vie dans la région de Nijar autrefois. Philippe Dupiereux, leur auteur, m'a généreusement autorisé à en intégrer dans mon film, tels des souvenirs qui resurgissent dans les paysages (conjured up, dit-on en anglais). Merci beaucoup à lui!
Voici le lien vers son film: http://www.youtube.com/watch?v=56xkCh0vDsY
Mémoire, fantômes, cinéma... C'est aussi dans cette région que furent tournés certains westerns spaghetti, plusieurs séquences de Lawrence d'Arabie, et d'autres films célèbres dont les souvenirs hantent les habitants.
Aujourd’hui, Philippe et Jeanne-Marie vivent à Finestrat, en province de Valence. Philippe vient d'ailleurs de réaliser un autre film sur la mémoire, un film sur son village: Finestrat, Memoria grafica 2012-2013. Sa récente interview par la RTVE sera présentée un prochain dimanche dans le programme Babel, à midi.
Pouvoir travailler dans la lenteur, la liberté, être ouvert à la chance... Choses devenues quasi impossibles dans le mode de production actuel.