Oratorio filmé? documentaire dissonant?

Vint la saison du doute...

Cette semaine, nouveau matériau oblige, il a fallu tout revoir et, parfois, remonter certaines séquences. Simplement pouvoir intégrer les dix fragments chantés dans le montage préexistant était trop simple. Ce qui n'était d'ailleurs pas une surprise.

Certains fragments musicaux nécessitent un plus long silence préparatoire. Il faut alors retourner chercher dans les images tournées les années précédentes celles qui offrent cette respiration. D'autres entraînent un changement dans l'ordre des plans déjà placés, une logique différente.

Ce n'était donc pas une surprise, ni un problème. Au contraire, à présent, la continuité et la cohérence nouvelles du film apparaissent clairement.

Il s'agit d'un objet hybride, principalement une sorte d'oratorio profane filmé, et tressé de séquences documentaires. J'utilise le mot "oratorio" sans être bien sûr de mon fait. A moins qu'il s'agisse d'une cantate profane? Ou d'autre chose? Un Sprechgesang?

Quant à parler de séquences documentaires, je suis aussi peu convaincu puisque, au final, elles sont là pour raconter aussi autre chose que ce qu'elles montrent, pour être autre chose qu'un témoignage et tendre à la métaphore, à l'abstraction malgré la réalité des choses, la cohérence géographique des lieux, la vérité des personnes, ...

D'une certaine manière, les fragments de cet "oratorio" ont d'ailleurs eux aussi une dimension documentaire:

Ils documentent la lutte de la voix et du violoncelle avec les éléments (ici, pas de play-back: c'est le son direct qui sera assumé, merci Ricardo!);

Ils documentent aussi le travail d'improvisation partielle d'Albert, puisque certaines parties de la musique lui permettaient d'explorer plus librement les possibilités expressives de son violoncelle et d'offrir une version un peu différente dans chaque prise, en opposition avec le canevas figé du texte (pré-écrit);

Ils documentent enfin l'interaction, le dialogue ou le conflit entre la chanteuse et le musicien, l'un entraînant l'autre dans l'une ou l'autre direction, ou exacerbant éventuellement la tension entre harmonie et dissonance. Ce sont là des choses entièrement neuves pour moi, quasi expérimentales.

Pourtant, ces fragments ont aussi une dimension théâtrale évidente...

[En rouge, "mais que sont ces images?".]

Ce tressage de séquences "musicales" et de séquences "documentaires", du musical et du documentaire, le refus que l'image accompagne la musique ou que la musique accompagne l'image, le refus que l'un ne serve, à mon sens, qu'à décorer l'autre, rencontreront manifestement des résistances auprès d'une partie du public, car le résultat est moins confortable, moins directement et artificiellement émouvant, étant animé par plusieurs conflits internes. Qu'est-ce que la beauté? Le film est volontairement conflictuel, car il cherche à exprimer le conflit de la terre et de la prédation, de l'harmonie et de la dissonance, et évoque une crise environnementale et morale. Alors, il n'est pas question de produire une belle tomate insipide.

Mais... et si je me trompais complètement?

La semaine prochaine viendra le moment de faire un point avec Hélicotronc (et Anthony Rey), la société de production qui aurait voulu produire le film, mais qui n'a reçu aucune aide publique, et le CPC, atelier de production, qui a décidé de m'offrir l'étalonnage des images (la mise en cohérence et continuité des couleurs, surtout entre les différentes années de tournage au sein d'une même séquence, par exemple: ah, documentaire-menteur!). Une vision du nouveau montage est donc prévue avec eux prochainement.