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Plastico: un documentaire et un film musical.
16 février 2013

Au-delà des images

Les images de la réalité, l'enregistrement du monde, le document, sont ici un matériau, une texture parmi d'autres. En 2011, j'ai senti qu'il me fallait insister sur cet aspect formel du film, qu'il me fallait travailler le langage, comme dans la poésie. Il me fallait chercher une forme qui puisse à la fois documenter un processus historique objectif et exprimer mon propre questionnement subjectif : laisser parler des personnes réelles, concrètes, des corps et des visages, mais aussi dire ce qui me trouble, me choque personnellement. 

Comment parler de cela : de ce plastique qui enveloppe les serres, mais qui tend aussi plus largement à recouvrir le monde, même dans un sens figuré? Ce plastique qui est à la fois linceul, écran et miroir? Et ce, sans faire un film qui soit lui aussi linceul, écran ou miroir. Linceul, lorsqu'il ne propose que des images résignées d'un deuil. Ecran, lorsqu'il fait de ces paysages des cartes postales, des clichés, un film d'aventure ou un thriller à effets: un écran qui cache, donc, plutôt qu'il ne fait voir. Miroir, lorsqu'il ne rend qu'un reflet flatteur du spectateur qui sortira satisfait de lui-même, tellement fier d'avoir tout digéré de ce qu'on lui a proposé de consommer.

Projet mélancolique, certes, mais qui cherche à proposer quelque chose à côté du désastre exposé : ce quelque chose, c'est peut être le questionnement de ma propre position de filmeur. D'une part, ne pas me laisser figer sous plastique. D'autre part, ne pas m'arrêter à la dénonciation : induire une émotion, des sentiments liés tant à la destruction, au deuil, qu'à la survivance, même à la construction, la création d'autre chose.

 

Luz2

 

Comment ? Par la musique, plus précisément par des poèmes mis en musique. Parce que la poésie, cette fracturation des mots et des images, est probablement le seul mode d'expression artistique qui n'est pas « consommable ».

Il y a certes bien d'autres moyens de satisfaire à des désirs comparables. Mais, à la fois iconophile et iconoclaste, mon rapport aux images a toujours été fait de fascination et de méfiance. Et aux miennes en particulier : que sont mes images ? Mes images font partie de notre culture contemporaine du spectacle, historiquement liée au catholicisme et au pouvoir, et l'Espagne en est un exemple parfait: goût de "l'effet" sonore ou visuel, etc. Suis-je donc du côté du spectacle et du pouvoir quand je fais un film? Comment l'éviter?

Dans ce projet-ci, je me pose la question de l'éventuelle « redondance » des images : filmer, c'est la mort au travail, c'est peut-être aussi participer à la plastification du monde. Mais c'est aussi garder la mémoire des choses, des paysages, des corps, des visages. Pour questionner mes images, pour questionner ma position, pour dépasser cette contradiction, j'ai donc choisi de faire appel à un autre médium artistique : le verbe mis en musique. L'usage de la musique et de la parole chantée correspond au désir de juxtaposer une autre forme à ce visible qui disparaît, comme un virage vers autre chose pour échapper à la mort, comme une autre vie que celle qui s'efface sous nos yeux.

Dans le même ordre d'idées, la musique sera jouée à l'image, sera diégétique ; le musicien et la chanteuse seront dans le paysage, dans les lieux filmés, in situ, afin, justement, de ne pas faire « musique de film », de ne pas fictionnaliser le paysage, ne pas l'exploiter en en faisant un spectacle. Ce sera comme un "chant de la terre", une pensée et des sentiments qui s'expriment physiquement, comme s'ils étaient  enracinés dans les divers lieux filmés. Le film, road-movie documentaire dans un paysage, sera aussi entremêlé de séquences chantées.

Mais quelle musique?

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Plastico: un documentaire et un film musical.
  • Se couvrant de serres de plastique, cette région d'Andalousie oublie son passé, et est la proie d'un désastre écologique et d'une crise culturelle: tout devient surface. Mais il s'agit peut-être d'une crise européenne.
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